Où est la limite?
Comme éducatrice et comme éducateur, vous êtes des êtres doté.e.s de logique et tout le monde sait que faire mal physiquement à un enfant est interdit… que le menacer est nuisible pour lui… que de le punir exagérément est néfaste pour le lien d’attachement et l’estime de soi. Mais vous savez aussi que dans toutes règles à suivre existe également une compréhension qui peut être différente d’une personne à une autre. Ces différences résident dans nos valeurs à chacune, notre éducation, notre conception de l’éducation, nos savoirs, mais également notre santé mentale et affective. En clair, un simple élément comme : « Ne pas attacher un enfant » peut vouloir dire pour une éducatrice ou un éducateur « ne plus jamais attacher un enfant durant l’heure du repas » et pour l’autre « Ne plus attacher les enfants au copain de promenade lors d’une randonnée en ville ». Voilà alors la question à 100$ : comment comprendre les éléments du Guide sans paniquer et en arriver à dire : bon ça y est, on ne peut même plus regarder un enfant ou l’avertir sous peine d’être sanctionné.e! »Les fausses croyances
Il se peut que vous partiez avec des croyances comme : « Ah moi, dans mon temps, c’était plus facile » ou encore « Les enfants d’aujourd’hui, on doit les laisser tout faire et toujours leur donner raison » ou finalement « C’est ben beau à dire, mais pas facile à faire ». Je vous prédis alors que le chemin vers les pratiques appropriées sera ardu, voire pénible. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il existe deux chemins pour l’éducatrice et l’éducateur qui travaille en service de garde : le chemin le plus facile et le plus difficile.Le chemin le plus difficile
Le chemin le plus difficile débute sur un terrain plat. Surprenant? Il semble être celui le plus facile à emprunter, parce qu’à première vue, il apparaît droit, sans montée abrupte et sans risque de se perdre. Il est donc normal que l’on soit tentée de le choisir. Ici, il s’agit d’un chemin connu, celui où l’on met tous les enfants dans le même moule afin d’intervenir toujours de la même manière. C’est celui qu’on connait bien, parce qu’on a été élevé.e comme ça, qu’on a élevé nos enfants comme ça et qu’on est intervenue toute notre vie comme ça avec nos petits clients. Par exemple, « il faut demeurer assis à la table durant le bricolage parce que c’est comme ça que ça se fait ». Dans ce contexte, si l’enfant se lève ou bouge trop, on entre en conflit avec lui : alors on ne se soucie pas de ses besoins à lui. On met l’accent sur ce qui doit être fait dans une manière unique choisie par l’adulte. On met alors de côté le lien d’attachement, l’estime de soi, le développement de l’enfant et la majorité des grands principes du programme éducatif. On mise sur le résultat (faire un bricolage parce que ça stimule le domaine moteur) au lieu de valoriser le processus (ce que le contexte du bricolage a pu développer chez l’enfant dans tous les domaines). À la longue, les combats avec les enfants pour que les choses soient faites à NOTRE manière brûle, fatigue, éloigne, enferme dans une boîte rigide… et le chemin devient une montagne à gravir. Le plaisir n’est plus là, on ne sait plus comment intervenir et on en vient à faire porter le blâme aux enfants : « ah les enfants d’aujourd’hui!!!!!!! » Et c’est là qu’on a recours aux pratiques inappropriées : « je n’ai pas le choix de menacer, de rabaisser, d’attacher… »Le chemin le plus facile
Le chemin le plus facile débute par la traversée d’un pont en corde et se poursuit dans la bouette bien épaisse. Surprenant ici aussi! On juge à tort ce chemin, mentionnant que c’est facile à dire, mais pas si facile à faire! Ben oui! Ce que les éducatrices et les éducateurs ne savent pas, c’est qu’à partir du moment où les efforts du début sont mis en place, le reste du trajet se fait sur une petite route bien asphaltée, bordée de verdure avec vue magnifique sur l’eau. Et quels sont ces efforts à mettre pour s’éviter d’aller à contre-courant des enfants? D’abord, il est essentiel de s’assurer que nos savoirs sont à jour en lisant fréquemment nos programmes éducatifs et en faisant de la formation continue. Il est vrai que les enfants d’aujourd’hui ne sont pas les enfants d’hier… et ce constat n’est pas négatif en soi à condition que l’on connaisse bien les besoins de cette nouvelle génération. Ce n’est pas aux enfants à s’adapter à nos croyances comme personne, mais bien à nous, les professionnelles et les professionnels, à s’approcher des leurs, comme on le fait lorsqu’on va rendre visite à quelqu’un, dans SA maison. On s’adapte, sinon on rame à contre sens des vagues. Ensuite, le chemin sera plus agréable pour tous si nos intentions éducatives sont claires : « on fait un bricolage debout parce que je veux miser sur les développements des compétences sociales et créatives plutôt que de mettre l’accent sur la capacité à demeurer assis sur une chaise durant 30 minutes ». Ainsi, on évite de tomber dans des pièges du genre : « Tu restes assis parce que c’est comme ça qu’il faut faire ». Encore une fois, on éloigne de nous l’usage des pratiques inappropriées comme attacher un enfant sur sa chaise durant une activité de table (ou le repas) sous prétexte qu’il risque de se lever. Il n’y a qu’un seul chemin qui mène aux pratiques appropriées : celui qui est facile, MAIS qui à l’air insurmontable au début. Ne vous faites pas avoir! Acceptez de tenter de coup en mettant de côté vos aprioris. Acceptez de faire les choses autrement, de faire mieux les choses pour les enfants et vous pourrez alors tous ensemble profiter de la splendeur du paysage offert par le développement de l’enfant! Mélanie Coulombe Cible Petite Enfance Lectures intéressantes :- https://www.mfa.gouv.qc.ca/fr/publication/Documents/guide-pratiques-inapprop.pdf
- https://www.mfa.gouv.qc.ca/fr/publication/documents/programme_educatif.pdf